L'idée fixe - Ortensia visconti - Editions Naïve

L'idée fixe - Ortensia visconti - Editions Naïve

L'idée fixe

Ortensia Visconti

Douze voix des cinq continents forment ce récit qui analyse en creux le rapport des individus aux fantasmes, au désir - indissociable des mœurs de leurs cultures respectives.

Avec une écriture sensuelle, à la poésie abrupte – voire crue, Ortensia Visconti anime une galerie de personnages en proie avec leurs questionnements existentiels – avec le sexe pour dénominateur commun.

À Tokyo où le plaisir peut être trouvé à bord du métro par une Lolita gothique et un employé d’âge moyen. À Shanghai, au milieu des gratte-ciel flambants neufs, où même la virginité à un prix. À Kaboul où un bref moment d’amour dans une chambre d’hôtel aide à oublier l’éternité du dehors : la guerre, les décombres et la mort… À Rome, où l’homosexualité d’un jeune prêtre cherche à éclore au delà de la honte et de la répression… À Marrakech, où le véritable amour ne peut aller à l’encontre d’un mariage arrangé… À Amsterdam au cours d’une nuit de drogues et d’alcool… Des êtres prisonniers de leurs images fantasmées.

EDITIONS NAIVE
Parution : 6 juin 2013
ISBN : 978-2-3502-1326-2
240 pages – 14,5 x 19 cm
19 €

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Ortensia Visconti

Ortensia Visconti

Ortensia Visconti est née dans le milieu du cinéma. Après avoir a étudié la littérature comparée, à Paris et le photo-journalisme à Londres, elle devient reporter de guerre en Algérie, en Afghanistan, en Irak et au Pakistan.
Son premier roman – Dorotea e la Luna – a été suivi de Stregonesco (Fazi Editore, 2004), un thriller sombre qualifié de “Twin Peaks en Italie”. Elle vit aujourd’hui à Londres où elle travaille sur son troisième roman.

www.ortensiavisconti.com

Tokyo

Tokyo

« Et maintenant, le monstre secoue son dos écaillé. Ce sont ces cercles concentriques, les gouttes qui glissent dans la mer le long de la jambe d’Ève, le silence entre elles, qui le rendent fou. Ase, chi, zamen ? Il approche sa tête longue et frangée, dilate ses naseaux, fait vibrer sa langue bifide. Il secoue le corps de la jeune fille endormie, qui se laisse caresser et soulève la main avec grâce : ses doigts fuselés s’unissent aux deux extrémités de langue comme des plantes grimpantes. Les bulbes oculaires du monstre se dilatent, ses griffes jaillissent de son long corps de reptile et s’enfoncent dans les jeunes genoux d’Ève, les séparent. »

Shanghai

Shanghai

« Malgré les années, il avait un corps de peau, de tendons et de nerfs, dont chaque millimètre semblait fonctionnel. Il cherchait quelque chose entre les draps, m’ignorant. D’instinct, j’ai fait un pas vers lui. Je n’allais pas retourner nettoyer des crustacés. J’ai enlevé mon pull d’argent, j’allais rester dans la suite impériale. J’ai dégrafé ma minijupe en jean et je l’ai laissée tomber, je lui étais destinée. Ma petite culotte en voile touchait terre au moment où lui trouvait son slip et le mettait. Il a pris deux rouleaux de printemps, a mordu dans l’un et m’a donné l’autre. Ses yeux brillaient de lumière et de couleurs diverses. Il a ramassé mes vêtements et me les a mis dans les mains. Puis il a souri, a enfilé une robe de chambre en soie violette et a disparu derrière une porte. »

Kaboul

Kaboul

« Il y a un lit à deux places, contre le mur, avec un couvre-lit damassé. La petite table est devant la fenêtre et dehors, les lumières de la ville vacillent, ténues comme des guirlandes sur un arbre de Noël. Les décharges de kalachnikovs, lointaines et sporadiques, ne me stressent plus. J’allume une bougie, je fais couler la cire dans la boite d’un rouleau de pellicule et avec cette flamme-là, j’en allume une autre. L’hôtel Intercontinental, un édifice au sommet d’une colline qui surplombe la ville, est dans l’obscurité. Entre six et huit heures, l’électricité nous a mis dans un état frénétique. Nous nous sommes battus autour de chaque prise électrique, nous nous sommes amassés au fond du couloir pour tenter de capter les ondes des satellites, qui arrivent d’un autre monde. Puis, le noir. Soudainement et jusqu’à demain. Juste au moment où Kaboul s’allume. »

Nairobi

Nairobi

« Je sais que les hommes blancs traitent bien les femmes. Ici, beaucoup les battent, mais moi, ma girafe, je ne l’ai jamais battue. Elle était si belle que durant la première nuit, je l’ai prise sept fois. Mon membre relevait la tête comme le cobra.
Je sais que les Blancs donnent des baisers et des caresses. Mais un Samburu n’embrasse pas. Un Samburu ne touche pas une femme au-dessous de la taille et surtout, elle ne doit pas lui toucher le sexe, le visage, les cheveux. Un guerrier est comme un lion.  »

Marrakech

Marrakech

« Zahia monte les escaliers quatre à quatre, jusqu’à la salle de bains qui était celle de sa mère. Du deuxième étage, on voit la ville. Tandis qu’elle se déshabille, Abdoul marche dans cette obscurité, fou de passion. Zahia le sait, elle sourit ; le miroir est écaillé en certains endroits mais il la réfléchit tout entière. Elle ne s’est jamais dévêtue devant un homme.
À présent, elle se déplace dans cette pièce comme le faisait sa mère. Elle est consciente de répéter ses gestes, qu’elle observait comme on accomplit un rite. L’eau dans la vasque. L’éponge qui goutte, puis glisse entre ses seins, sous ses bras, sur son ventre. À l’aide d’une cuvette, elle se mouille la tête, ses longs cheveux deviennent lourds, la traînée de henné raie la vasque en carrelage. »

Rome

Rome

« Je n’aime pas céder aux tentations. J’ai donc commencé par le bromure qui cassait juste les rythmes serrés du séminaire : lever à six heures, petit-déjeuner au réfectoire, nettoyage du réfectoire, glorieuse érection… visite au Saint-Sacrement, salle d’étude, déjeuner, douloureuse érection… salle d’étude, promenade, pause, dîner, prières, érection éperdue.
Et puis un jour, je me suis dit que peut-être Dieu ne pardonne pas parce qu’il est plein d’appréhension paternelle. Si ça se trouve, Jésus était quelqu’un comme moi. »

Paris

Paris

« Il l’embrasse. Ses lèvres ont encore le goût des larmes. Il s’aperçoit qu’il arrive à bouger les mains. Il les passe sous le pull et il a l’impression de toucher un nouveau-né. Il sent venir une érection. Ce cul-là est à quelques centimètres de la pulpe de ses doigts. Ça fait presque un an qu’il rêve de le toucher. Ses mains glissent vers le bas, sur la peau tendue qui se remplit de plus en plus de chair ; ses doigts franchissent l’élastique du survêtement, se faufilent sous celui du slip. Enfin, il le saisit. Il serre ces fesses-là entre ses mains. »

Amsterdam

Amsterdam

« L’adrénaline et l’électronique me tiraient à un rythme absurde. J’étais hyperfait et heureux comme un gamin tandis que je regardais la lune pointer de derrière un nuage dans le froid acide de ce soir d’hiver. Elle est sortie en quelques secondes et son énergie de néon de luxe a transformé les rues sombres. Les cyclistes se sont allongés et leurs ombres s’accrochaient à chaque croisement. Moi, je pédalais, me prenant pour Gengis Khan chevauchant vers la femme dans le Nord barbare. J’étais vivant. »

Londres

Londres

« J’ai commencé à baiser le jour où on me l’a annoncée. On peut dire la mort ? Elle m’a été annoncée comme Amy Whinehouse aux MTV Awards. Ma belle-mère n’a pas la langue dans sa poche et quand elle parle, elle n’a pas besoin de micro. Puis j’ai compris que les gens ne veulent pas en entendre parler. Ils se retirent avec grâce, comme des cornes d’escargot, mais tout de suite l’embarras se transforme en droit d’être épargné par un sujet aussi honteux. Les gens réagissent mal si on leur dit qu’on est en train de mourir. Ils sont dégoûtés par la peur. Ils restent fascinés par l’étrangeté de la chose, ça ne les regarde pas, et puis ils essaient de s’identifier et on dirait que c’est eux qui doivent mourir. Alors moi, je leur parle de sexe. Et je ne leur dis pas de quoi je meurs, parce qu’en fait c’est exactement ce qu’ils veulent savoir. »

Barcelone

Barcelone

« Ça y est, nous y revoilà. Ils n’imaginent pas ce que ça veut dire d’avoir un enfant, quelle merde c’est. Ils n’y pensent pas. Si seulement ils savaient compter… Trente plus vingt, cinquante. Presque vieille, sûrement seule, avec un gosse de vingt ans furax, élevé dans le béton et qui me menace avec son couteau. Un séparatiste, probable. Ou un couillon quelconque. Ils voudraient que j’échange la tranquillité avec le drame et en attendant, eux, lui… Les hommes ne font pas les enfants. Où est ton enfant Dado, maintenant que tu es en train de mourir ? Eux, ils ne se demandent pas : Qu’est-ce que je lui donne, moi, qu’est-ce que je lui dis ? L’idée de quelqu’un qui dépend de moi, qui me regarde et qui veut être comme moi… Il faut que tu puisses lui parler honnêtement, à un enfant. Et pas que tu aies peur qu’il te scrute et qu’il entrevoie ce qu’il y a de moche, pas que tu lui parles en ayant l’impression de lui mentir. »

New York

New York

« Je me suis transformé en un organisme autotrophe, qui se nourrit tout seul. Les hétérotrophes sont ceux qui se nourrissent avec les autres, mais avec les femmes… tu ne sais jamais ce qui peut t’arriver. Je ne comprends pas ce qu’elles me veulent ! Et toi, qu’est-ce que tu veux ? Pour moi, c’est simple : dis-moi quelque chose que tu dirais à un client pour le faire s’exciter. »
« Je peux parler de mon pussy, à eux ça leur plaît. Je peux raconter qu’avec sœurs à moi on faisait comparaisons et que le mien est celui sûrement petit comme trou de fente. »
« Très bien ! C’est comme ça que se passe la photosynthèse chlorophyllienne dans la phase lumineuse. Tes paroles, Sarah, sont l’énergie solaire qui, capturée par la chlorophylle, est transformée en un minuscule courant électrique… »